Alexandra et les Mangroves d'Usultan - par Léa et Sybèle

 Alexandra a 12 ans, elle est mince et petite, elle porte les mêmes vêtements tous les jours, qu'elle lave en rentrant le soir.

A quatre heures du matin, son père José, grand et musclé, la réveille. Ce n'est pas à l'école qu'elle va, mais dans les mangroves d'Usultan, dans l'île d'Espinitu Santo (El salvador), où elle passera la journée à ramasser des Curiles, sortes de petits mollusques.

Il faut faire vite, alors Alexandra ne prend même pas le temps de déjeuner. Le plus important, c'est de s'assurer qu'elle a tout le nécessaire pour affronter la journée de travail qui l'attend, et parfois cela veut dire passer jusqu'à quatorze heures dans la boue.

Le nécessaire, en l’occurrence, c'est une douzaine de cigares ainsi que les quatre pilules au minimum qui l'empêcheront de dormir. Une grande partie de ses gains passe dans l'achat de ces « provisions ».

Elle est pieds nus dans la mangrove, bravant le mauvais temps et les piqûres de moustiques, elle fouille au plus profond de la boue. Elle se coupe les doigts, elle s'égratigne les mains, pour en extraire les précieux coquillages qu’elle revendra par la suite pour nourrir sa famille.

La fumée de cigares la protège des moustiques, mais, une fois sa réserve épuisée, elle doit subir leurs assauts, tandis qu'elle continue sa quête, explorant chaque taillis, arpentant chaque coin et recoin. Quand elle retourne chez elle, elle est presque toujours couverte de piqûres de la tête aux pieds, et très fatiguée.

Ses parents l'attendent dans la salle à manger, ils lui ont servi un verre d'eau pris du puits. La famille est très pauvre. Comme chaque soir ses parents lui demandent comment s'est passée sa journée :

"Alors chérie, ta journée s'est bien passée? Tu as pu récolter des curiles ?

- A vrai dire maman, mes gains sont maigres, et je suis très fatiguée."

Les jours de chance, Alexandra rapporte deux paniers de curiles dont la valeur est de 1,4 pesos.

« C'est pas grave ma fille nous sommes quand même très fiers de toi. La famille compte sur toi. Continue ma fille, dit le père. » La petite fille, qui a sept frères et sœurs plus jeunes qu'elle, n'a ni le temps d'aller à l'école ni le temps de jouer avec les autres enfants. De toute façon, elle préfère ne pas jouer avec eux car ils lui disent qu'elle sent mauvais et la rejettent à cause de son travail.

Au fil des jours, Alexandra a perdu l'estime d'elle-même. Comme les autres enfants qui exercent cette activité, elle se sent exclue. Pour elle, la vie ressemble à un tunnel dont elle ne voit pas la sortie.

Un jour, Alexandra comme toujours se lève pour aller dans les mangroves, elle est accompagnée de sa sœur, Amandine, qui a 9 ans. C'est une toute première pour Amandine, elle est angoissée et curieuse de voir comment va se passer sa première journée. Sur le chemin, elle pose beaucoup de questions et Alexandra la réconforte en lui disant que tout va bien se passer, qu'il ne faut pas s’inquiéter. Arrivée aux Mangroves, Amandine se met immédiatement au travail et suit les ordres de sa sœur. Pendant ce temps-là, Alexandra, déterminée à récolter plusieurs coquillages, ne fait plus attention à sa sœur, et s'éloigne de la mangrove sans s'en rendre compte. Quelques instants plus tard, Alexandra revient et s'aperçoit que sa sœur a disparu. Elle panique, s'affole, elle la cherche partout elle ne sait plus quoi faire. Elle décide de rentrer à la maison pour le signaler à ses parents.

" Maman ! Maman ! Amandine a disparu !

-   Quoi !? Amandine disparue! Comment ça ? Explique-moi pourquoi elle n’est pas avec toi !"

Alexandra n’arrête pas de pleurer. "Je vais t'expliquer, je suis allée un peu trop loin dans la mangrove, et en revenant Amandine avait disparu." Pendant que la maman tourne en rond, désespérée, quelqu'un frappe à la porte. La maman ouvre, surprise, elle voit sa fille à côté d'un grand monsieur barbu. Elle la prend dans ses bras, soulagée et joyeuse, contente de l'avoir retrouvée. Le monsieur explique à la mère qu'il se promenait vers les mangroves, et qu'il a aperçu Amandine en train de pleurer, qui était perdue. La maman ne sait pas comment le remercier, alors, elle l'invite à boire le thé.

Fin