samedi 20 décembre 2014

A la porte du destin - par Laura et Camille



A la porte du destin 
(version longue)
 

J'étais en plein déménagement. Je remplissais le dernier carton de livres que ma mère rangeait dans sa chambre quand parmi tous ses vieux ouvrages poussiéreux, je découvris un journal. Il était marron, fermé d'un ruban noir. Je le frottai avec ma main pour enlever la poussière et pus lire: « Journal d'Emma. » Curieuse, je me laissai tomber sur son lit et j'entamai  la lecture du journal intime de ma mère. Il était rédigé d'une très belle écriture noire. Sur les bords du texte, il y avait de petits dessins et parfois des photos. La première page était datée du 4 janvier 1979. Je commençai donc ma lecture.
« Cher journal, je m'appelle Emma. Aujourd'hui c'est mon anniversaire, je viens d'avoir douze ans. Pour fêter ça on m'a offert ce journal intime. Je suis une fille discrète avec de grands cheveux châtains ondulés. J'ai des yeux bleus et la peau mate. Je ne suis pas très grande mais je suis fine. Je vis depuis toujours à l'orphelinat de Misrata. A l'âge de sept ans,Beatriz, une dame de l'orphelinat, m'a expliqué que mes parents m'avaient eue très jeunes. Ils vivaient à Tripoli au Nord de la Libye et étaient plutôt pauvres. Ne voulant pas avoir de grosses responsabilités, dès ma naissance, ils m'avaient abandonnée ici. Moi, je pense surtout qu'ils ne voulaient pas de moi. Je ne comprends pas comment on peut abandonner son enfant aux bras d'inconnus. Je me demande parfois s'ils repensent à moi ou si, maintenant, ils ont un autre enfant avec qui ils sont heureux. Pendant toutes ces années j'ai vu défiler des tas d'enfants de tous âges. Ils arrivent puis quelques mois ou quelques années plus tard, ils repartent heureux avec leur nouvelle famille. Chaque jour, je perds un peu plus d'espoir d'avoir une famille... »
En revenant à moi, j'avais les larmes aux yeux. Je pensais à ma mère et à tout ce qu'elle avait enduré. Elle ne me parlait jamais de son enfance mais quand je lui demandais elle me répondait : «  J'ai eu une belle enfance, simple... » Je voulais en savoir plus et lus donc la deuxième page. Elle était illustrée d'une photo d'Emma en noir et blanc. Elle était souriante, assise sur son lit, dans sa chambre. Cela me donna du courage pour reprendre ma lecture.
« 10 Février 1979
Cher journal, hier j'ai reçu une nouvelle inattendue.Beatriz est arrivée en courant dans ma chambre en claquant au passage la vieille porte en bois. Elle avait un grand sourire. Je sursautai, surprise de la voir sitôt puis elle m'attrapa les deux mains et m'attira vers elle. Elle me serra dans ses bras et quand enfin elle s'écarta de moi, je lui demandai  ce qu'il  se passait. Elle me répondit euphorique : « Ce matin, j'ai entendu Mme Lo, la directrice, parler de toi au téléphone. Donc, quand elle a eu terminé je suis allée lui demander si il y avait du nouveau. C'est là qu'elle m'a annoncé qu'un couple voulait te rencontrer. »Un sourire apparut sur mes lèvres. J'eus l'espoir d'un nouveau départ.
11 Février 1979
Cher journal, aujourd'hui c'était le grand jour! Je voulais être parfaite pour rencontrer mes éventuels futurs parents. Je me regardai dans la glace. J'étais vêtue d'une jolie robe au tissus rose avec une ceinture de perles blanches que Beatriz m'avait offerte la veille. Je portais de belles ballerines noires. J'avais attaché mes cheveux en chignon laissant échapper quelques mèches. Je me regardai une dernière fois puis je pris mon courage à deux mains et sortis de ma chambre. Je descendis le grand escalier en bois et traversai le couloir sombre. J'arrivai enfin devant la porte qui allait pouvoir m'offrir une vie meilleure. Au moment où je posai ma main sur la poignée un malaise me prit. Je ne savais plus quoi faire. Je me décidai quand même à ouvrir la porte. Quand le bruit de la porte retentit, deux personnes qui m'étaient inconnues se retournèrent. La femme était mince et avait de courts cheveux bruns. Elle avait de beaux habits en soie. L'homme à ses côtés devait être son mari. Il mesurait au moins deux mètres et était vêtu d'un magnifique costume. C'était le couple parfait, riche, qu'on aurait pu voir dans un film à la télévision. La directrice s'avança vers moi, me prit par la main, me les présenta :
- Emma, voici Emeline et Joseph Lopez.
Ils me regardèrent et me firent un sourire hésitant. La femme s’avança de quelques pas :
- Bonjour Emma, je suis très heureuse de te rencontrer aujourd'hui, me confia-t-elle.
Je passai toute la journée en leur compagnie. Je leur racontai ma vie et eux la leur. Ils m’expliquèrent qu'ils vivaient à quelques rues de l'orphelinat. Ils se mirent à raconter leur vie :
- Nous vivons dans une grande maison, commença la femme.
- Tu pourras avoir ta propre chambre, ajouta l'homme.
Je restai muette en écoutant attentivement les détails de la vie qu'ils avaient à m'offrir. Ce soir-là, allongée dans mon lit, je repensai à la conversation que nous avions eue : «Nous rêvions depuis quelques temps d'avoir un autre enfant mais nous ne pouvons pas. Si tu le souhaites, nous pourrons t'envoyer dans une bonne école, ce qui te promettra d’avoir un bel avenir. »
24 Février 1979
Cher journal, cela fait environ deux semaines que n'ai pas écrit. J'ai passé presque toutes mes journées avec mes futurs parents. Voici comment s’est passé mon départ de l’orphelinat.
Mes valises étaient prêtes. Je m'installai dans la voiture où mes parents m'attendaient. Je dis un dernier au revoir à Beatriz qui allait beaucoup me manquer. La route défila devant moi pendant une dizaine de minutes jusqu'à ce que j’aperçoive enfin une belle maison. Ma nouvelle maison ! Elle était entourée d'une clôture blanche. A gauche il y avait une rangée  de fleurs de toutes les couleurs et à droite une énorme piscine entourée de magnifiques palmiers. Joseph sortit mes valises du coffre pour aller les poser à l'entrée. Je le suivis et ils me firent visiter cette belle et grande maison. »
Je décrochai mes yeux du livre. A ma surprise, la page suivante était datée du 15 juin 1992. Elle avait écrit treize ans après. Ce jour était celui de ma naissance.
« Cher journal, j'ai maintenant vingt-cinq ans et aujourd'hui je suis devenue maman. Je viens d'accoucher d'une petite fille que j'ai nommée Jeanne. Cela fait treize ans que je n'ai pas écrit pourtant, il s'est passé beaucoup de choses. Lorsque que j'ai été adoptée, les premières semaines étaient pour moi le paradis. Puis, au bout d'un mois, quand mon père commença à boire il devenait violent. Il m'insultait et me frappait. Il me traitait comme sa servante et un jour, quand je ne voulus plus écouter, il m'enferma dans la cave pendant quelques jours. Quand j'essayais de me sauver, il me frappait jusqu'à ce que je saigne. La femme ne disait rien. Elle me regardait comme si j'étais une bête de foire. Quelques années plus tard, à l'âge de mes dix-sept, ne voulant plus être traitée comme telle j'organisai un plan. Pendant la nuit du deux mars 1984, je sautai par la fenêtre restée entrouverte en prenant mes économies et un petit sac de nourriture. Je courus jusqu'au port et montai clandestinement dans un bateau de marchandises. Après de longues heures, l'embarcation arriva à Malte. Je descendis discrètement et allai me cacher dans un coin de rue. Le jour suivant, je trouvai un petit travail de femme de ménage, qui me permit de survivre et de louer une petite chambre. Je restai dans cette situation pendant quelques années jusqu'au jour où je rencontrai Mat qui devint, quelques temps après, mon mari. Par chance, la vie m'offrit une petite fille, Jeanne. Ma vie n'a pas toujours été belle, mais il faut s'accrocher, il y a toujours un espoir» Emue je fermai le livre.

3 commentaires:

  1. Je vous remercie Camille et Laura de m'avoir fait passer un bon moment lors de la lecture de votre nouvelle qui est très émouvante !
    Elise

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  2. Votre nouvelle est GENIALE elle est passionante du début à la fin j'espère qu'elle sera choisie pour le concours. Leena et Tania

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